Définition et cadre conceptuel
L’équité dans l’effort empathique correspond à la répartition juste et équilibrée de l’énergie émotionnelle, cognitive et morale investie dans la compréhension et la prise en compte des émotions d’autrui. Ce concept croise à la fois la psychologie morale, la sociologie des relations sociales et les sciences cognitives appliquées à la justice émotionnelle.
Définition et cadre conceptuel
L’effort empathique désigne le processus par lequel un individu déploie des ressources mentales et affectives pour comprendre ou ressentir l’état d’autrui. Le principe d’équité intervient lorsqu’il s’agit de déterminer comment cet effort est distribué selon les contextes sociaux, les appartenances identitaires ou les rapports de pouvoir. Ainsi, certaines personnes ou groupes se voient plus souvent demander — implicitement ou explicitement — de fournir un effort empathique accru (par exemple, les femmes dans les environnements de travail ou les minorités dans des contextes dominés par le groupe majoritaire).[1]
Ce déséquilibre d’effort peut entraîner une fatigue empathique, voire un épuisement moral, lorsque cette dynamique devient structurelle, notamment dans les métiers de soin, de médiation ou d’enseignement.[2]
Dimensions psychologiques et sociales
- Équité émotionnelle : L’équilibre dans l’échange empathique suppose que chaque partie bénéficie d’une écoute et d’une reconnaissance réciproque. Un déséquilibre chronique conduit à de l’asymétrie relationnelle et à une diminution de la qualité des liens sociaux.[3]
- Injustice empathique : Ce phénomène désigne la sous-considération émotionnelle de certains groupes ou individus. Il recoupe en partie des concepts comme l’injustice épistémique (Fricker, 2007), où certaines voix sont jugées moins crédibles ou moins dignes de compassion.[4]
- Normes culturelles et genrées : Les dynamiques empathiques sont façonnées par des scripts culturels : les femmes, par exemple, sont socialisées à exprimer une empathie plus soutenue, tandis que les hommes sont souvent incités à la contenir.[5] Cela produit une répartition genrée de l’effort émotionnel.
Pistes contemporaines de réflexion
Les recherches récentes en neurosciences sociales montrent que la capacité empathique n’est pas illimitée : elle est affectée par la distance perçue entre soi et l’autre, l’appartenance au groupe et la charge émotionnelle préalable.[6]
Des travaux en justice organisationnelle suggèrent aussi que promouvoir une équité empathique dans les institutions — c’est-à-dire reconnaître et valoriser équitablement les émotions et efforts des différents acteurs — renforce la cohésion et réduit les tensions interpersonnelles.[^7]
Sur le plan éthique, l’équité dans l’effort empathique invite à répartir de façon plus consciente la responsabilité émotionnelle. Cela suppose de repenser les modèles d’éducation émotionnelle, les pratiques de travail collaboratif et les politiques de soin collectif pour éviter que certains portent la charge de l’écoute ou de la compassion au détriment d’une réciprocité juste.
Hoffman, M. L. (2000). Empathy and Moral Development: Implications for Caring and Justice. Cambridge University Press. ↩︎
Figley, C. R. (1995). Compassion Fatigue: Coping with Secondary Traumatic Stress Disorder in Those Who Treat the Traumatized. Brunner/Mazel. ↩︎
Gleichgerrcht, E., & Decety, J. (2014). “the relationship between different facets of empathy, pain perception and compassion fatigue among physicians.” Frontiers in Behavioral Neuroscience. doi:10.3389/fnbeh.2013.00293 ↩︎
Fricker, M. (2007). Epistemic Injustice: Power and the Ethics of Knowing. Oxford University Press. ↩︎
Croft, A., Schmader, T., & Block, K. (2015). “an underexamined inequality: Cultural and psychological barriers to men’s engagement with communal roles.” Personality and Social Psychology Review. doi:10.1177/1088868314564789 ↩︎
Cikara, M., Bruneau, E., & Saxe, R. (2011). “us and them: Intergroup failures of empathy.” Current Directions in Psychological Science. [doi:10.1177/0963721411408713](https://doi.org/10 ↩︎